Mi-novembre, l’association Les Voisins Solidaires de Versailles VSV ( https://vs-versailles.fr/ ) a écrit aux sénateurs et députés des Yvelines afin qu’ils intercèdent auprès du ministère de l’Intérieur et de l’OFII. Le but : que ceux-ci reviennent sur leur décision de réformer le conditionnement de la carte ADA, devenue carte de paiement, sans possibilité de retrait d’espèce pour les demandeurs d’asile. La carte délivrée aux personnes qui demandent asile, communément appelée carte ADA, leur permettait jusque-là de retirer chaque mois le montant de l’allocation de demande d’asile ou ADA en argent liquide. Depuis le 5 novembre 2019, cette carte est devenue une carte de paiement sur terminaux de paiement électronique, sans possibilité de retrait d’espèces ni de paiement en ligne.
Aujourd’hui, les demandeurs d’asile n’ont plus du tout accès à de l’argent liquide, pourtant indispensable dans la vie quotidienne.
Seriez-vous en mesure, du jour au lendemain, de vous passer de tout argent liquide, au quotidien ?
Des demandes, des manifestations, des pétitions
Début août 2019, une pétition a été lancée afin de demander l’annulation de cette réforme – http://chng.it/ywv4RJVB. À ce jour, elle a recueilli près de 11 500 signatures et a été cosigné par plus de 100 associations et collectifs dont VSV. La Fédération des acteurs de solidarité et la Coordination française pour le droit d’asile – CFDA ont publié une lettre ouverte commune : https://www.gisti.org/spip.php?article6245. Malgré tout, la Direction Générale des Étrangers en France ou DGEF a persévéré dans sa décision et le changement concernant la carte ADA est effectif depuis le 5 novembre.
Les différents arguments évoqués pour justifier cette mesure sont, pour ce que nous savons, infondés :
- une expérimentation en Guyane aurait eu un bilan positif. Il n’y a eu aucun bilan, l’avis des demandeurs d’asile n’a jamais été consulté et les associations présentes sur place ont constaté une complication de la vie courante des demandeurs d’asile et la mise en place de stratégie de contournement, afin de pouvoir acheter de la nourriture au marché, payer les tickets de bus…
- il serait possible d’effectuer des retraits d’espèces auprès de commerçants pratiquant le cash-back, notamment certains magasins du Groupe Casino. Si tant est que les magasins du Groupe Casino pratiquent effectivement le cash-back, certains centres d’hébergement n’ont pas de tels magasins dans leur environnement immédiat. Cette alternative n’est donc pas égalitaire et il est paradoxal que le gouvernement mette en place une mesure qui enjoigne les demandeurs d’asile à consommer dans une seule enseigne qui plus est privée.
- le principe d’une carte de retrait telle qu’aujourd’hui représenterait des frais importants. Les annexes budgétaires de la loi de finance permettent de constater que, pour l’année 2018, les frais de gestion de l’ADA s’élèvent à 4,72 M€ tandis que les « sommes dormantes », c’est-à-dire des sommes en déshérence non retirées pas les allocataires, récupérées par l’OFII s’élèvent à 6,7 M€. Ces sommes, supérieures aux frais de gestion, ont été réaffectées au financement de l’allocation. https://tinyurl.com/yxd9pum2
- les autres pays européens auraient déjà mis en place cette dématérialisation des aides. Cette information est erronée. Les autres pays continuent de verser les allocations, au moins en partie, en argent liquide. C’est d’ailleurs la recommandation du HCR, qui préconise l’aide en espèces afin de répondre aux besoins des demandeurs d’asile et réfugiés dans la dignité –https://www.unhcr.org/fr-fr/news/stories/2018/8/5b8563daa/laide-especes-donne-refugies-pouvoir-choisir-depenses.html
Vers des alternatives simples et pragmatiques
Des alternatives simples et réalistes à la situation actuelle, sont envisageables :
- faire en sorte que cette carte permette à la fois les retraits et les paiements. La DGEF a indiqué que cette solution mixte couterait plus cher, or les seuls frais qui en découleraient sont les frais de retrait (0,57€ par retrait) qui, comme indiqué plus haut, sont déjà très largement absorbés. Si besoin il serait possible que ces frais de retrait soient pris en charge par les demandeurs d’asile, cela ne représenterait que quelques euros par mois.
- faire en sorte que l’ADA soit versée sur un livret A ou un compte bancaire, comme auparavant. La loi le permet, sur dérogation Les demandeurs d’asile, en situation régulière en France, sont en mesure d’ouvrir un livret A voire un compte bancaire et fournir un relevé d’identité postale ou bancaire pour qu’y soit versée leur allocation.
Ces options, simples à mettre en place, ne dépendent que de la bonne volonté de la DGEF. Aujourd’hui, l’ADA est le seul moyen de subsistance des demandeurs d’asile et ceux-ci ont définitivement besoin d’argent liquide dans leur vie quotidienne.